Cet hiver, 𝕒𝕣𝕘𝕠𝕤 présente Oriana, la première exposition personnelle en Belgique de l'artiste portoricaine Beatriz Santiago Muñoz. La présentation consiste en une seule installation audiovisuelle multicanaux déployée dans les espaces d’ⓐⓡⓖⓞⓢ.

Oriana s'inspire du roman Les Guérillères de l'autrice féministe Monique Wittig, paru en 1969. Dans ce texte expérimental de Wittig, les rôles de genre hétéronormatifs sont écartés au profit de l'utilisation d'une grammaire nouvellement créée qui remet en question les arrangements binaires conventionnels. La réinterprétation libre et méthodique des Guérillères par Santiago Muñoz transpose les remarquables inventions linguistiques de Wittig dans une structure filmique tout aussi peu conventionnelle. Dans cette œuvre, un groupe de féministes militantes – pour la plupart des proches collaboratrices et connaissances de Santiago Muñoz – sont invitées à habiter un espace-temps indéfini proposé par l'artiste.

Truffée de rencontres inexplicables, Oriana se déploie dans des forêts, des grottes, des rivières et des infrastructures industrielles et coloniales en ruine. À travers des interludes chorégraphiques frénétiques et des rituels silencieux, cette expérience audiovisuelle élaborée trace la carte d'un monde de distorsions perceptives et de processus collectifs. Les objets du quotidien se transforment en de mystérieuses armes d'assaut, tandis que les esprits ancestraux et les personnes récemment décédées envahissent l'espace filmique de manière obsédante.

En rassemblant ces éléments disparates, les intrigues insolites d'Oriana rendent tangibles ses personnages abstraits et hybrides. Ces intrigues sont renforcées par la bande-son originale du groupe post-punk brésilien Rakta. Mais elles dialoguent aussi avec l'architecture moderniste et industrielle du bâtiment, ainsi qu'avec les interventions graphiques du studio bruxellois D-E-A-L en façade et dans l'entrée d'𝓪𝓻𝓰𝓸𝓼, qui constituent autant de chemins possibles à travers la pléthore d'images et de sons créés par Santiago Muñoz.

Beatriz Santiago Muñoz développe ses films et vidéos par le biais de l'écriture, ainsi qu'au travers de rencontres fortuites et d'improvisations structurées avec des non-acteurs. Inspirée par l’approche ethnographique, l'artiste explore les histoires locales et les mythologies indigènes, créant des interventions filmiques qui juxtaposent le documentaire à la fiction et au récit. Pour Santago Muñoz, la caméra est un instrument de médiation entre ceux qui se trouvent devant l’objectif et ceux qui sont en arrière de celui-ci. La reconnaissance mutuelle de la présence de l'autre est donc le point de départ de l'établissement de connexions audiovisuelles essentielles, qui constituent la base conceptuelle de son travail.

Dans Oriana, ces connexions élaborées sont encore renforcées par la structure complexe de l'œuvre. Ainsi, Beatriz Santiago Muñoz transforme de manière convaincante l’univers littéraire radical de Wittig en rencontres audiovisuelles stimulantes, tout en réimaginant les spectateurs comme des sujets en perpétuel devenir.

Lire les textes de l'exposition et l'interview avec Beatriz Santiago Muñoz

Organisée conjointement par Fernanda Brenner et Niels Van Tomme, commissaires, l’exposition Oriana est le fruit d'une collaboration entre ⒜⒭⒢⒪⒮ et Pivô à São Paulo, Brésil. Avec le soutien promotionnel du Brussels Independent Film Festival.